chroniques fribourgeoises #2 : Mission
chroniques fribourgeoises #2 : Mission

chroniques fribourgeoises #2 : Mission

Dimanche 23 novembre, le studentat de Fribourg, presque au complet, a passé la journée à Genève. Au programme : rencontre de la communauté du couvent Saint Dominique, avec qui nous fêtons le Christ Roi, et, l’après-midi, à la Comédie de Genève, représentation de Mission de David Van Reybrouck, magistralement interprété par Raven Rüell.

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Choeur de l’église du couvent des dominicains de Genève

            Nous nous laissons accueillir, d’abord, à tout Seigneur tout honneur, par Celui que nous célébrons en ce jour : la liturgie dominicale est soignée, belle et digne au milieu des œuvres de Maurice Denis – mosaïque du baptistère, vitraux et grande fresque du chœur – et dans la ferveur de la prière. L’accueil se poursuit : les discussions sur le parvis autour d’un café, avec l’un ou l’autre paroissien est l’occasion de découvrir, un peu, le visage de l’Église de Genève. Puis le froid nous fait regagner le couvent et sa chaleur : discussions toujours, autour d’un verre de fendant cette fois-ci, avec les frères dont nous découvrons les engagements multiples, passés et présent, au service de l’Église, en Afrique et à Genève, en paroisse, à l’hôpital ou dans l’enseignement.

Durant l’après-midi, le décor et le style changent un peu, mais le fond serait le même.  Mission nous fait entendre, deux heures durant, André, un Père Blanc, âgé et belge, de retour de mission au Congo. Le ton est celui d’une conférence, où l’orateur parle, saute du coq à l’âne, nous fait passer par toutes les gammes, du rire aux larmes, de la légèreté à une profonde gravité.

Il parle, il parle de tout, ce qui a fait et fait sa vie, d’homme, de religieux, de prêtre, de missionnaire ; il parle, il parle de tout, raconte Alice, son premier amour, et raconte sa vocation, qui l’a saisi par surprise ; il parle de son arrivée au Congo, en 1959 et de ses vacances en 2015 auprès de sa famille ; il semble se perdre, se tait un instant, reprend le fil, fait une blague.

Il parle vraiment de tout, de longues trajets sur les pistes et les fleuves, des eucharisties célébrées en pleine brousse, du club de foot qu’il a fondé ; des baptêmes de quelques André, ou Merci-André, de catéchisme, de sorcellerie, du divorce de son frère, de ses neveux tellement speed et stressés, de préservatifs et de l’Évangile.

Il parle, il parle vraiment de tout, de lui et de son œuvre, sans fausse pudeur ni vaine gloire, et du Seigneur : Lui qui a fait sa vie, qui continue de la faire ; Lui qu’il aime et sert, même s’il ne comprend pas, de lui qu’il espère et qu’il prie, malgré tout, malgré son silence, devant les femmes violées et les enfants soldats, les vies gâchées et la grande guerre qui, après le génocide au Rwanda, a déchiré toute la région.

Le point de vue, bien sûr, est partiel, c’est celui d’un missionnaire, plus tout jeune, et d’un Européen. Reste que l’auteur connaît son sujet, il a longuement écouté plusieurs missionnaires ; et les frères plus âgés qui ont œuvré là-bas ou pas loin, entre les années 1970 et 1990 en témoignent : Ça   sonne terriblement vrai, tout ce qu’il raconte – les joies comme les peines ; le décalage entre l’Afrique et l’Europe, la difficulté de rentrer ; les splendeurs et les abominations ; les doutes et cette foi parfois si nue et si pauvre, à certaines heures qui ne prend plus la forme que d’une supplique ou d’un point d’interrogation.

Ce n’est qu’une pièce de théâtre, sans doute, mais une œuvre vraie, et une œuvre belle ; les applaudissements longs, nourris et graves qui suivirent le montrent assez. Espérons qu’elle continuera, longuement, à interroger les cœurs et les consciences, et d’abord les nôtres, frères prêcheurs, qui sommes appelés, nous-aussi, peut-être sous d’autres formes et en d’autres lieux, à la mission.

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Frères étudiants dominicains de Fribourg en visite au couvent de Genève

fr. Grégoire Laurent Huyghues Beaufond

TABELLA