Prudence !
Prudence !

Prudence !

Prédication du 3ème dimanche du Carême, sur la deuxième lecture de la messe (1 Co 10, 1-6.10-12)

                                                  « Celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber. »

 

Paul a écrit ce passage pour exhorter les Corinthiens à la prudence et à l’humilité. Tout comme le peuple au désert, ils ont beau avoir reçu les dons de Dieu, cela n’est pas une garantie automatique contre le péché. Et pour preuve : les hébreux au désert ont reçu des signes qui préfiguraient le Christ : rocher, source vive et nourriture spirituelle ; et pourtant nombre d’entre eux y sont restés. Ils ont déplu à Dieu par leurs fautes, et ils sont morts. Donc, même si les Corinthiens ont reçu l’Evangile du Christ, qu’ils soient prudents et humbles.

Soyons prudents en jugeant le passé

De mêmes, soyons prudents ! « Celui qui se croit solide, qu’il prenne garde de ne pas tomber » parce que, croyant tout savoir, tout avoir, il se sentirait à l’abri de l’erreur.

S’agissant du passé, n’ayons pas l’imprudence de juger nos prédécesseurs dans la foi avec nos critères d’aujourd’hui. Mais tenons-nous prêts à rencontrer aussi des obstacles à affronter. Apprenons de leurs erreurs pour n’en faire pas d’autres plus graves. Nous ne sommes pas plus forts qu’eux.

Pour éviter ces imprudents jugements, il faut nous rappeler ceci. L’histoire dans laquelle nous sommes inscrits, notre histoire, est plus grande que celle qui fait la critique de l’Eglise. Elle est celle d’une alliance, du salut en Jésus Christ, et de l’attente de sa manifestation à venir. Notre histoire est fondée par une promesse et une alliance. Elle est sauvée par la croix de Jésus. Elle est orientée par l’attente de son retour, et par le jugement dernier que le Père rendra (1Co 15, 24-28).

C’est dans cette pensée que toute la lettre aux Corinthiens est écrite « Vous ne manquez d’aucun don de la grâce dans l’attente où vous êtes de la Révélation de notre Seigneur Jésus-Christ ». Il faut, comme St Paul, replacer toute notre histoire par rapport au Christ. Pour Paul le Christ est déjà au désert avec les hébreux. Il est présent au temps de Paul, et encore au nôtre autant qu’au sien.

Soyons prudents pour notre futur

Nous voici « à la fin des temps », nous avons eu l’exemple tragique du peuple au désert. Cette histoire nous est transmise par l’Ecriture pour notre instruction. Nous en avons besoin, car nous avançons à notre tour, vers notre jugement.

Si nous voulons éviter de tomber, il faudra garder en tête cet exemple passé, et ce jugement à venir. Ce n’est pas un jugement mécanique : tu as péché, donc tu mourras. Mais le jugement d’un Seigneur qui, comme dit le Ps 102 « fait œuvre de justice, défend le droit des opprimés », un Dieu qui juge et qui sauve à la fois, qui est tout ensemble juste et miséricordieux.

Dans la suite de ce texte, Paul dit : « Dieu est fidèle, il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ». Faire œuvre de prudence aujourd’hui en vue du jugement demain, c’est donc agir et faire des choix sans peur, mais avec notre raison humaine éclairée par le regard de Dieu. Ce n’est pas craindre d’agir, mais agir avec tous les moyens de la raison humaine dans une vie proprement théologale, pleine de foi, de charité et d’espérance.

Nous qui sommes à la fin des temps, soyons prudents en jugeant le passé, soyons prudents pour notre futur.

Fr. Alban Vallette d’Osia o.p.

TABELLA