De nouveaux frères et de nouveaux vœux – Une affaire sérieuse !
De nouveaux frères et de nouveaux vœux – Une affaire sérieuse !

De nouveaux frères et de nouveaux vœux – Une affaire sérieuse !

Au début de l’été, le fr. Cyprien-Marie nous rappelait que « communiquer la Vie à travers les réseaux sociaux passe tout d’abord par une véritable vie chrétienne dans le monde réel. » Dans ce monde réel, l’été s’achève maintenant et pour beaucoup, de multiples activités commencent ou recommencent. Dans ce monde réel, aussi, le noviciat s’achève et les vœux simples arrivent à terme pour certains frères. C’est ainsi avec beaucoup de joie que nous avons accueilli et que nous vous annonçons la nouvelle de la profession simple, pour trois ans, des frères Gregorius, Rémi-Michel, Etienne et Andreas, et du renouvellement des vœux du fr. Alban, pour un an. Nous rendons grâce pour cette vie nouvelle que le Seigneur donne à l’Ordre des prêcheurs et à notre province de France, cette année encore, et sommes heureux de pouvoir ici vous la communiquer.

Dans le monde réel, toutefois, la vie chrétienne (et a fortiori la vie religieuse) ne va pas de soi. Jésus ne nous permet pas de demeurer naïfs et inconscients des inévitables épreuves et contradictions qui attendent ceux qui désirent marcher à sa suite, car les disciples ne sont pas au-dessus du Maître. C’est ce que le fr. Philippe Toxé, prieur du couvent de Lyon, nous a rappelé à  l’occasion du renouvellement des vœux temporaires du fr. Alban, lors des vêpres du dimanche 8 septembre dernier. La suite du Christ est une affaire sérieuse, avant et au-dessus de toutes celles qui peuvent avoir tendance à exiger la première place, surtout en ces temps de reprise. Voici son homélie.

« Cher frère Alban, nous avons encore en mémoire l’évangile entendu à la messe de ce dimanche (Lc 14, 25-33) et je pense qu’il peut éclairer ce renouvellement de tes vœux. Ce que nous a dit Jésus ce matin est d’une radicalité qui serait suspecte à bien des gens y compris chrétiens : « Celui qui ne hait pas les membres de sa famille et sa propre vie, celui qui ne porte pas sa croix, celui qui ne renonce pas à tous ses biens, ne peut pas être mon disciple ». En disant cela, Jésus nous avertit sur le sérieux et la radicalité qu’implique notre engagement à sa suite, et sur les tiraillements et les épreuves que peut impliquer notre fidélité envers lui. Lui qui a fait de l’amour du prochain, le commandement suprême indissociable de l’amour de Dieu, ne prône évidemment pas la haine des membres de nos familles ou la recherche de la souffrance, comme condition pour le suivre, il nous avertit seulement que devenir son disciple et essayer de vivre en conformité avec sa parole peut nous conduire à des incompréhensions, des réactions de rejet ou de mépris de la part de ceux que nous aimons, et de notre part, à des choix qui ne vont pas dans le sens de notre intérêt matériel.

Etre chrétien comme faire un pas de plus dans la vie religieuse, comme tu le fais ce soir, frère Alban, ce n’est pas une option secondaire, c’est une affaire sérieuse.

Et à cet égard, ce soir, avec le droit de l’Eglise, tu mets en œuvre ce que nous avons entendu aussi ce matin dans les deux paraboles de Jésus qui sont frappées au coin du bon sens : il faut prendre le temps réfléchir avant de s’engager. Et si on voit que l’on n’y arrivera pas, y renoncer. C’est en pleine consonance avec nos manières de faire du siècle : étude de marché, séminaire de réflexion, temps de discernement, retraite d’élection, etc. Jésus semble nous dire : ne vous engagez pas dans ce qui est au-dessus de vos forces. Et après la radicalité des phrases précédentes, nous sommes bien d’accord et bien contents d’entendre des mots si raisonnables. Et c’est pourquoi il y a le catéchuménat avant le baptême, les fiançailles avant le mariage, le noviciat et au moins 3 ans de profession temporaire avant la profession religieuse solennelle et partant perpétuelle, etc. Mais si on lie ensemble l’avertissement de Jésus et ces prudentes paraboles, cela risque de refroidir nos enthousiasmes spécialement en notre temps où, soucieux de liberté et de bien-être, et conscient de nos fragilités, on hésite : « n’est-ce pas prétentieux de ma part d’oser m’engager ? » Même si les humoristes diront qu’il ne faut pas dramatiser un renouvellement pour un an. Mais nous savons bien que ce renouvellement, il se fait dans une perspective d’une oui plus radical.

Et nous pouvons douter d’être à la hauteur et donc hésiter à nous engager, en nous disant qu’avec nos simples forces, nous n’arriverons pas à construire ce temple de Dieu que nous devons être, et nous n’arriverons pas à lutter contre un adversaire plus fort que nous (c’est du diable dont je parle, pas des supérieurs). Saint Pierre l’a expérimenté avant nous, lui l’homme des belles déclarations et des professions de foi « jusqu’à la mort », qui n’osera plus confesser le Christ, lorsqu’il le faudrait, dans la nuit de l’épreuve de la passion.

Alors, devons-nous dire que la suite du Christ, ce n’est pas pour nous, et que si c’est pour être un religieux médiocre et tiède (ceci n’est pas ad hominem !), il vaut mieux renoncer à s’engager à la suite du Christ ? Mais ce serait compter sans l’amour du Seigneur qui nous attire, nous séduit et nous conduit, en nous donnant la force dont nous avons besoin pour y arriver. Le temple de Dieu que nous sommes et qu’est l’Eglise et l’Ordre des Prêcheurs, nous ne pouvons le construire avec nos seules forces, car si le Seigneur ne construit la maison, c’est en vain que travaillent les maçons ; le combat spirituel qu’il nous faut mener, nous ne le gagnerons pas, si nous ne nous laissons pas réconcilier par la miséricorde de Dieu et habiter par sa grâce. Le capitule des vêpres que nous avons entendu nous le dit, sous forme de vœu et de prière, qui est aussi une bénédiction que je t’adresse, frère Alban : « Que le Dieu de la Paix te nourrisse de tout ce qui est bon pour accomplir sa volonté et qu’il réalise en toi ce qui plaît à ses yeux par Jésus le Christ ». Amen. »

En ce début de septembre, nous nous permettons de puiser à la source de cette bénédiction pour vous souhaiter, à vous aussi qui nous suivez par Tabella, que le Seigneur réalise en vous ce qui plaît à ses yeux par ce même Jésus-Christ, le Chemin, la Vérité et la Vie.

TABELLA