Airs du temps #2 – « God is dead ? »
Airs du temps #2 – « God is dead ? »

Airs du temps #2 – « God is dead ? »



Parfois, dans les discussions sur le thème de la musique religieuse, et surtout chrétienne, les gens sont surpris quand je mentionne Master of Reality, un album de Black Sabbath de 1971, comme l’un de mes exemples préférés. Les grands-pères du Heavy Metal, et tout ce qui y est associé, jouent-ils plus dans l’équipe adverse? C’est une idée préconçue commune, à laquelle on peut répondre en écoutant la chanson “After Forever”, qui n’est pas du tout subtile dans ses déclarations :

Could it be you’re afraid of what your friends might say
If they knew you believe in God above?
They should realize before they criticize
That God is the only way to love

[« Serait-ce que tu as peur de ce que tes amis pourraient dire /
S’ils savaient que vous croyez en Dieu ci-dessus ? /
Ils devraient réaliser avant de critiquer / Que Dieu est le seul moyen d’aimer »]


Des tendances similaires se retrouvent également dans “Lord of This World”, des réflexions moins spécifiques mais néanmoins éthiques dans “Children of the Grave” et “Into the Void”, et des exemples similaires de chansons issues de la mentalité chrétienne sont répartis tout au long de leur carrière, jusqu’à God Is Dead ?” de leur dernier album, 13 (sorti en 2013) :

But still the voices in my head
Are telling me that God is dead
The blood pours down
The rain turns red
I don’t believe that God is dead

[« Mais toujours les voix dans ma tête / Me disent que Dieu est mort /
Le sang se déverse / La pluie devient rouge / Je ne crois pas que Dieu est mort »]

De plus, Master of Reality a inspiré tout un sous-genre de musique appelé Doom Metal, caractérisé par des tempos plus lents et un son pesant, où l’utilisation de l’imagerie chrétienne est assez courante, que les artistes s’identifient ou non comme des chrétiens pratiquants, par exemple : Samarithan” de Candlemass ou Psalm 9” de Trouble.


Le parolier principal de Black Sabbath, Terence « Geezer » Butler, vient d’une famille catholique irlandaise, et cette éducation fait évidemment partie des fondements de la musique du groupe. De plus, de nombreuses chansons (de Black Sabbath et de la musique métal en général) traitent à la fois des paroles et de la musique avec des thèmes que l’on ne trouve généralement pas dans les hymnes chrétiens: sentiments de doute, de désespoir, de morosité et d’indignation morale, expériences d’injustice, d’hypocrisie, de violence, même de grandes questions existentielles et philosophiques sans réponses faciles.

Ces sujets font néanmoins partie de la vie de nombreuses personnes, chrétiens y compris, et ne doivent donc pas être négligés. Ces expériences et émotions ont beaucoup de prédécesseurs bibliques, elles font partie de la vie du peuple de Dieu depuis longtemps. Ceux qui pleurent et ont soif de la justice sont déclarés bénis (Mt 5,5-6). Job doute de la justice et de la bonté de Dieu et Qohelet de la signification de la vie. Plusieurs prophètes condamnent l’injustice et l’hypocrisie, souvent avec un langage très tumultueux et violent, et les psaumes ne contiennent pas seulement des louanges et des expressions de confiance tranquille, mais aussi des supplications et même des malédictions.


A cause de ces dernières, certains psaumes ont été laissés en dehors de l’Office divin (57, 82 et 108), jugés inadaptés à la prière commune (comme le sont certains des passages les plus crus des prophètes), mais il a néanmoins été suggéré qu’ils aient une place dans la prière personnelle, précisément parce qu’ils expriment et verbalisent les émotions négatives, que nous ne devons en aucun cas cacher à Dieu, mais plutôt oser partager avec Lui.

Il convient de noter que si autant de métal se prête à l’écoute et à l’interprétation chrétiennes (et vice versa, un auditeur chrétien peut bénéficier d’autant de métal), même certains artistes qui utilisent l’imagerie chrétienne ne se qualifieraient pas comme tels. Il y a donc aussi beaucoup de chansons allant de provocantes et douteuses (Master of Reality mentionné ci-dessus s’ouvre avec Sweet Leaf, une ode à la marijuana) à hétérodoxes ou carrément blasphématoires – les auditeurs peuvent trouver cela problématique. Cependant, on peut également dire que les émotions et les expériences sur lesquelles ces expressions artistiques sont fondées (au moins dans la bonne musique) sont authentiques et méritent l’attention. Je ne suis peut-être pas en accord avec les conclusions de l’artiste, mais il est bon pour moi d’entendre d’où viennent ces expressions, celles-ci doivent être écoutées.



Car le métal, aussi à son meilleur, est un défi musical. Son esthétique n’est pas toujours facile à comprendre, et quand les chansons soit louent soit condamnent, elles le font avec énergie et poids, exigeant de prendre position avec vigueur. Les sujets difficiles ne sont pas évités, ils sont même souvent préférés.

Show the world that love is still alive, you must be brave
Or you children of today are children of the grave.

[« Montrez au monde que l’amour est toujours vivant, vous devez être courageux /
Ou vous, les enfants d’aujourd’hui, vous êtes des enfants de la tombe »]

Fr. Gregorius Pehrman o.p.

TABELLA