Pour la fête de Saint Dominique
Pour la fête de Saint Dominique

Pour la fête de Saint Dominique

Homélie du fr. Benoît Delhaye o.p., père-maître des étudiants de Lyon
pour la messe du 8 août, fête de Saint Dominique

Le 15 août 1215, Dominique décide de disperser ses premiers frères, avec qui il vit en communauté à Toulouse. Il les envoie par petits groupes, au moins deux par deux, vers les grandes villes européennes, dans lesquelles les universités sont en plein développement. Les frères reçoivent comme mission de se former dans ces universités, et de fonder des couvents. Ils doivent consolider leurs propres connaissances en théologie et philosophie, mais également faire grandir l’Ordre naissant des prêcheurs, en recrutant de nouvelles vocations parmi les étudiants. L’intuition de Dominique est de prêcher l’évangile, pour sauver les âmes des pécheurs et convertir les croyants tombés dans l’hérésie cathare. Il a compris que pour avoir une chance de réussir les pasteurs ne pouvaient plus se contenter de continuer comme avant à célébrer les sacrements sans en expliquer le sens ou à proclamer l’évangile sans le mettre en application.

Cette volonté de former les frères de son Ordre avant de les envoyer prêcher est née au cours des années qu’il a passées dans le pays cathare, autour de Carcassonne, à tenter de ramener les hérétiques à la foi catholique. Il s’est trouvé face à des croyants qui lui opposaient des arguments, qui discutaient point par point de l’interprétation des Écritures et de leur mise en œuvre.

La dispersion du 15 août 1215 marque la naissance d’un Ordre dans lequel l’étude a une importance primordiale. Cette décision de saint Dominique donne à l’Ordre dominicain et à ses membres le caractère d’un Ordre intellectuel, qu’il a toujours aujourd’hui.

Mais l’Ordre des prêcheurs n’est pas né ce jour-là. Dominique a commencé sa prédication itinérante en Languedoc des années auparavant, en 1206. Son intuition première est née de sa rencontre avec une délégation de moines et de prélats envoyés par le pape pour convertir les cathares. Les voyant désespérés de ne pas réussir leur mission, Dominique, et son évêque Diègue, décident de partir avec eux. Mais à la condition qu’ils renoncent à leurs chevaux, chariots, domestiques et vêtements ecclésiastiques luxueux. Les cathares reprochaient à l’Église, entre autres, d’avoir abandonné la pauvreté évangélique. Pour avoir une chance de dialoguer avec eux, il fallait commencer par ne pas leur donner cette raison de critiquer l’Église. La prédication devait ressembler à celle des premiers disciples : sans or ni argent, vêtus simplement, acceptant l’hospitalité et se nourrissant de ce qui leur serait offert en chemin.

Avant d’envoyer ses frères étudier et fonder des couvents dans les villes universitaires, la préoccupation de Dominique est de sauver les âmes, en partant à la rencontre des gens. La dimension intellectuelle de l’Ordre vient après, elle est au service de sa dimension pastorale. Les deux ont pris place au XIIIème siècle, et on les retrouve à travers toute l’histoire de l’Ordre dominicain, jusqu’à aujourd’hui. Il suffit de regarder les activités des frères étudiants cet été pour le vérifier.

Deux frères sont partis sur les chemins de Charente, à la rencontre des habitants, sans savoir où ils passeraient la nuit. Ils n’ont pas porté l’habit dominicain, qui derrière son apparence rustique coûte cher, mais, comme Dominique et Diègue, il ont préféré une tenue discrète et humble, pour ne pas provoquer le rejet, dans une France déchristianisée. Une simple croix autour du cou montrait leur foi et leur ont permis de belles conversations avec les habitants, et de toujours trouver un coin de terrain où planter leur tente pour la nuit.

Un autre frère a assuré l’accueil de touristes pour leur faire visiter une abbaye en Bretagne ou la cathédrale d’Avignon. Lui était en habit, ce qui lui a valu de belles rencontres également, mais aussi de nombreuses questions plus ou moins bienveillantes sur l’Église et ses secrets, sa richesse cachée (le Trésor de la cathédrale !) ou sur la différence entre résurrection et réincarnation. Les touristes sont en quelque sorte les cathares d’aujourd’hui : ce qu’ils savent de l’Église est souvent très approximatif et il est important de pouvoir les remettre sur le bon chemin. Il faut pour cela avoir fait quelques études.

D’autres frères participent en ce moment à des sessions de formation théologique. Ils transmettent ce qu’ils ont étudié à de jeunes chrétiens curieux de Dieu et soucieux de témoigner de leur foi dans le monde actuel. La compassion de saint Dominique pour les hommes du XIIIème siècle qui s’étaient éloignés du Christ anime toujours l’Ordre qu’il a fondé. Les défis ne sont plus les mêmes, le monde a changé, mais l’annonce de l’évangile trouvera toujours sa place si elle sait se faire humble et fraternelle, avec le désir de rechercher ensemble la Vérité.

fr. Benoît Delhaye
TABELLA