Le grand seau / En plongée
Le grand seau / En plongée

Le grand seau / En plongée

(Baptism of Jesus – Nikola Sarić)

« Alors, tu plonges ? » Je ne sais pas vous, mais moi quand il s’agit d’entrer dans l’eau froide, je suis plutôt du genre prudent : un orteil, le pied, les genoux, le délicat passage du maillot, le nombril, les bras, la tête. D’autres sont plus francs et plongent directement. Moi, je préfère avoir pieds et progresser par étapes.

En seize jours de temps liturgique, l’Enfant Dieu a grandi de trente ans. Noël est passée, nous vivons encore dans la joie de cette fête, mais déjà nous tournons nos regards vers la montée de Pâques et la Passion.

Ce n’est pas un hasard si les textes de ce dimanche du Baptême du Christ mentionnent conjointement l’eau, le vin, le sang et l’Esprit Saint. Sans eau, pas de vie corporelle. Elle seule donne à la vigne sa croissance, son être, son fruit, en vue de la vendange, de la vinification et de la fête. Il nous faut boire chaque jour pour métaboliser l’eau en sang, organe et fluide vital. L’Esprit Saint est fluide de vie spirituelle. Et ce n’est pas un hasard si le champ lexical employé pour en parler est celui de l’eau : « Source de la Grace », « Fontaine de la vie », « Fleuve d’eau vive ».

Alors, cette plongée dans l’eau, source de vie ou de mort ? On s’y trempe avec délices l’été venu mais elle nous terrifie aussi. Le noir, le froid, la pression, les monstres marins. Le Déluge. Pharaon et ses chars engloutis. Jonas et sa baleine. Le Léviathan. À la suite de Jean le Baptiste, Jésus renverse cette symbolique négative et mortifère de l’eau dans l’Ancien Testament pour en faire un fluide salvifique source de vie éternelle. Jean nous redit que l’Esprit de vérité rend témoignage au Fils non pas seulement avec l’eau, « mais avec l’eau et le sang ».

Alors, plongeon ou immersion ? Si les mots sont liés, leur sens diffère. En grec, bapto c’est plonger brièvement, mais baptizo c’est immerger pour laver longtemps, définitivement. Et c’est pourquoi Tertullien nous explique que « La chair est lavée pour que l’âme soit purifiée ». Pourquoi ce sacrement de l’immersion si un verre d’eau suffit à délivrer son prochain du péché originel ? Certes, l’eau rafraichit et désaltère, mais elle lave et purifie à condition d’y aller vraiment. On n’est pas sauvés à moitié, mais en entier. Il en faut du courage au catéchumène pour plonger dans l’eau du baptême. Il sait qu’il s’engage sur un chemin de vie total.

Si suivre le Christ c’est plonger sans brassards, c’est aussi l’école des petits baigneurs. Il nous faut apprendre à nager dans le courant de l’Esprit. Les lois de l’hydrodynamique nous apprennent que les meilleurs nageurs sont ceux qui sont le plus immergés dans l’eau. Dans l’Esprit, on se meut par la prière et l’agir charitable. Frères et sœurs, soyons des hommes et des femmes engagés dans le monde et dans l’Eglise, soyons les nageurs de l’Esprit.

Etienne d’Ardailhon Miramon, op

TABELLA