3 questions au frère Michel Lachenaud, prieur provincial de la Province de France
3 questions au frère Michel Lachenaud, prieur provincial de la Province de France

3 questions au frère Michel Lachenaud, prieur provincial de la Province de France

Cher frère Michel, tu étais cette semaine au couvent de Lyon pour la visite canonique. A quoi portes-tu particulièrement attention, concernant le studentat ?

Dans toute visite canonique, l’essentiel est le temps de l’écoute. Je passe une heure avec chaque frère étudiant. Chacun parle de sa vie, de son évolution, de ses questions. La confiance qui s’établit est essentielle. Les frères s’ouvrent sur l’intime, ce dont on parle peu : sa foi, ses questions. C’est important que les frères puissent parler à quelqu’un d’un peu extérieur, mais qui les connaît. Car finalement, en visitant les couvents de formation chaque année, je connais bien les frères.

Je porte attention à la qualité de la vie commune, et à l’équilibre de notre vie religieuse, surtout pour les jeunes qui sortent du noviciat. Il s’agit de voir comment on intègre la dimension spirituelle apprise au noviciat, dans une vie d’étudiant. C’est comme plusieurs strates, qu’on continue à dérouler. Il ne s’agit pas de faire le noviciat, puis on oublie ! Le noviciat, le studentat, ce sont plusieurs dimensions qui servent pour toute l’existence religieuse.

Je parles études avec les frères étudiants. Mais orienter les études, ce n’est pas le rôle du provincial, mais celui du régent des études. Je remarque qu’il y a des jeunes qui prennent trop de travail, qui veulent trop « manger » ! Il faut faire attention à son équilibre de vie.

Enfin, je suis attentif à savoir comment le studentat s’intègre dans la vie commune. Et aussi, comment la communauté porteuse joue un rôle dans la formation intellectuelle, et dans la formation religieuse des frères étudiants.

Vendredi matin, tu as institué Lecteurs et Acolytes les frères Matthieu, Cyprien-Marie, et Mathieu-Marie. Pourquoi est-ce important ?

J’ai moi-même été institué acolyte dans la sacristie de l’archevêque de Strasbourg juste avant d’être ordonné diacre… on avait oublié de m’instituer ! L’Acolytat et Lectorat, c’est ce qui reste des ordres mineurs. Ce sont des étapes vers le sacerdoce. C’est le supérieur majeur qui institue : chez nous, le prieur provincial. Pour les séminaristes diocésains, c’est le Vicaire Général ou l’Evêque.

Cela peut paraître des restes sans signification… Le Lectorat a un sens fort pour des dominicains : celui du rapport à la Parole. Les Lecteurs sont chargés d’annoncer la Parole aux frères dans l’assemblée. Les laïcs le font aussi. Mais ici, il y a le sens d’une charge, d’un ministère : on entre progressivement dans une attitude ministérielle. Et vraiment, pour un frère prêcheur, le lectorat c’est en harmonie.

L’Acolytat : le sens premier du mot acolyte, c’est d’être celui qui accompagne le célébrant. Tel que conçu dans la prière liturgique, c’est un rôle lié à l’eucharistie. Sa distribution, c’est un service du corps du Christ. Cela vaut bien sûr dans la célébration, mais il serait plus juste de le faire en lien avec le ministère de la charité, en allant porter la communion aux malades et personnes âgées.

Il ne faut pas trop valoriser ces institutions, mais c’est un beau moment spirituel. Notre vie est liée à la Parole de Dieu. St Césaire d’Arles demandait à ses frères « Quelle est la Parole que vous avez mangée ? ». On transmet ce qu’on a reçu. De même, il s’agit toujours de se demander ce que veut dire se nourrir du corps du Christ.

Nous avons célébré ces institutions en faisant mémoire de St Charles de Foucauld : il a cherché dans la Parole la rencontre, et vécu la présence de l’eucharistie. Il est ainsi devenu le « frère universel ».

Que voudrais-tu dire aux frères étudiants pour l’entrée dans l’Avent ?

C’est le temps de la veille… ce qui est bien, c’est que d’un seul coup, on est appelés à des attitudes spirituelles qu’on risquerait d’oublier. Etre en éveil.

Veiller. Je suis marqué par mes années en Afrique. Je pense à la chasse : tu restes en éveil pour écouter le bruit de la forêt, l’aube qui vient, les animaux qui s’ébrouent… Nous sommes invités à percevoir – c’est essentiel en ce monde de dureté, de ténèbres – les lueurs, l’aurore. Même dans les situations les plus horribles qui soient. Quand je visite des régions comme la Centrafrique, l’Irak… je suis émerveillé devant des attitudes évangéliques étonnantes en pleine catastrophe.

Il faut appeler les frères à être attentifs à ce qui naît, germe, la lumière qui jaillit. Dans leur vie, et autour d’eux. On peut vite avoir une attitude négative, nous ne sommes pas assez attentifs.

Je disais vendredi soir à la Cave* : « un homme parti en voyage »**, on a l’impression d’une absence. Mais il est là : « je suis à la porte, et je frappe »***. L’Avent, le temps des diverses venues de Dieu : il est là plus souvent qu’on ne le croit. Par exemple, St Vincent de Paul disait : lorsqu’un pauvre frappe à la porte pendant l’oraison et que tu te lèves pour lui ouvrir, tu quittes Dieu pour Dieu.

Oui, « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. »

Merci, frère Michel !

* La Cave des Dominicains, bar associatif animé par les frères étudiants, auquel le frère Michel a rendu visite vendredi soir.

** Evangile du 1er Dimanche de l’Avent (Mc 13, 33-37)

*** Ap 3, 20

TABELLA